1972-2022 : les 50 ans du conflit du Joint Français

Publié le 30/05/2022

1 millier d’ouvriers dont 64% de femmes travaillent à l’usine du Joint Français à Saint Brieuc début 1972. Bruit, poussières, chaleur, cadences, bas salaires …le feu couve depuis longtemps dans cette usine de fabrication de joints caoutchouc. Retour sur un conflit emblématique de l’histoire bretonne à l’occasion de son 50ème anniversaire. Ce conflit fera l’objet d’une exposition en septembre 2022.

Propriété de la CGE, compagnie générale d’électricité, un grand groupe industriel de l’époque, le Joint Français s’est implanté en 1962 avec de nombreuses aides de l’Etat et de la Ville qui lui a cédé un terrain de 14ha pour le franc symbolique. Surtout, les salaires sont inférieurs de 20 à 40% à travail identique à ceux de la maison mère en région parisienne.

 

L’usine occupée, les forces de l’ordre interviennent

Les revendications s’accentuent au début de l’année 1972. La CFDT (majoritaire au sein de l’usine), ainsi que la CGT demandent principalement une augmentation de 70 centimes par heure, ainsi que l’attribution d’un 13ème mois. Intransigeante, la direction refuse, des débrayages ont lieu. Le 10 mars, lors d’un vote à bulletin secret, la grande majorité des salariés décide de durcir le mouvement et opte pour une grève générale illimitée.

L’usine est occupée, mais, dès le 15 mars, la justice ordonne l’expulsion. Les gendarmes mobiles et les CRS interviennent le 17 mars et reprennent l’usine. L’intervention policière choque bien au-delà de l’usine et de Saint-Brieuc, contribuant à développer un incroyable mouvement de solidarité.

Rapidement, partout en Bretagne, des comités de soutien vont se former. Plusieurs communes votent des aides financières pour les grévistes, des artistes (Gilles Servat, François Budet, Claude Nougaro, Louis Guilloux…) soutiennent le mouvement, des paysans du coin offrent légumes, viandes ou lait par camions. Les lycéens, les commerçants se mobilisent également, des collectes s’organisent jusqu’aux portes des églises le dimanche ! 

Le conflit va en effet s’enliser pendant de longues semaines, meetings et manifestations se succèdent. Il sera marqué par des moments forts : dans la nuit du 5 au 6 avril, trois dirigeants du Joint Français sont ainsi « retenus » par des salariés dans les locaux de l’Inspection du travail ; le 18 avril, ce sont plus de 15 000 manifestants qui défilent dans les rues de Saint-Brieuc pour soutenir les grévistes.

 

 « Cette lutte des travailleurs du Joint est celle de tous les travailleurs bretons »

Ainsi écrivait la CFDT dans ses publications. Cette dernière joue un rôle central dans la conduite du conflit et son aboutissement, incarnée par Jean Le Faucheur, responsable de l’Union Départementale des Côtes d’Armor au cœur du mouvement. Les grévistes obtiendront après 8 semaines de grève 65 centimes d’augmentation horaire, ils en revendiquaient 70 !

Ce conflit a fortement marqué la région briochine, il avait également une forte dimension régionale, tout particulièrement à la CFDT, et sa revendication « Vivre et travailler au Pays ».

S’il a durablement affecté une génération de militant.e.s CFDT, les valeurs de solidarité, d’émancipation qui étaient au cœur de cette grève sont les mêmes que celles qui nourrissent les engagements de la CFDT et de ses militant.e.s aujourd’hui.

La CFDT tient à saluer ce 50ème anniversaire et partager entre les générations CFDT cette « permanence d’un combat pour les valeurs ». Elle organise le jeudi 29 septembre prochain, 18-21h à Saint Brieuc une table ronde ouverte à toutes et tous.

Au programme : Eclairages par Vincent Porhel historien, Guy Lorant journaliste qui a couvert le conflit, témoignages CFDT, échanges débats … suivi d’un apéro dinatoire sur place

 En bonus : projection de documents d’archives, photos tracts affiches …

Vous pouvez dès maintenant réserver votre place auprès de l’Union Départementale 22 : cotesdarmor@bretagne.cfdt.fr en communiquant les informations suivantes

Nom - Prénom - Structure CFDT - Assistera à la table ronde : oui, non - Prendra part au buffet : oui, non

 

L’ouvrier et le CRS : la photo emblématique

Image1 (Ouest France / Jacques Gourmelen)

« On avait des salaires de misère, on bossait 47 heures par semaine. On demandait juste à être payés comme nos collègues de la région parisienne. Lorsque les gars de la CRS 13 ont déboulé, j’ai reconnu Jean-Yvon. Nous étions ensemble au lycée Curie. Boute-en-train de la classe, nous étions inséparables. Alors lorsque je l’ai reconnu, j’ai vu en lui le gars qui vient briser notre mouvement. J’ai explosé. Ce n’était pas de la colère. Je pleurais de rage. De la rage face aux injustices. Je lui ai dit : “Puisque t’es là, ben vas-y tape moi dessus ! Il ne m’en a pas voulu. On s’est revu après.” »