Affaire Chéritel : la fin de 5 ans de procédures judiciaires !

Publié le 02/05/2022

Rendu le 6 avril 2022, le verdict de la cour d’appel de Paris met un point final aux procédures judiciaires opposant l’entreprise Chéritel et trois syndicalistes CFDT lanceurs d’alertes sur fond de travail dissimulé et de pratiques mensongères. La Cour confirme la relaxe des trois militants accusés injustement de diffamation, déboutant définitivement Jean Chéritel, propriétaire de l’entreprise. Retour sur presque 5 ans de procédure judiciaire.

L’origine des évènements se trouve en 2017, lorsque nos trois lanceurs d’alerte, Yannick Le Doussal, Marie-Jeanne Menier et Jean-Luc Feillant, dénoncent dans un tract le traitement illégal de l’entreprise Chéritel envers ses salariés bulgares et des pratiques mensongères de marchandage.

Chéritel est un grossiste de fruits et légumes installé en périphérie de Guingamp (Côtes-d’Armor) et connu dans l’agroalimentaire breton pour l’approvisionnement, en fruits et légumes, de Carrefour, Leclerc, Système U et d’autres grandes enseignes. Il compte une centaine de salariés et 800 clients, pour un chiffre d’affaires d’environ 15 millions d’euros.

 

800 tonnes de tomates frauduleuses

Lors de l’été 2017, les élus CFDT dénoncent des pratiques de marchandage mensongères : des tomates d’origines étrangères étaient mélangées aux tomates françaises et étiquetées « origine France », avant d’être vendues aux clients de l’entreprise. Près de 800 tonnes de tomates étaient concernées selon l’enquête menée par la répression des fraudes.

Poursuivi en justice, Jean Chéritel reconnaît la tromperie, invoquant une pression commerciale. L’entreprise a été condamnée le 14 novembre 2019 à un total de 99 000€ d’amende et à une confiscation de 248 000€ de revenus frauduleux. Peine confirmée par le tribunal correctionnel de Saint Brieuc en octobre 2021.

 

47 000 heures de travail dissimulées

La CFDT a également dénoncé les pratiques de l’entreprise qui employait illégalement 26 travailleurs bulgares en intérim. Ils ont travaillé, en grande majorité, sur une ligne d’épluchage d’oignons et d’échalotes de juillet 2013 à février 2015 dans des conditions totalement illégales : les frais de déplacements à la charge des employés et non de l’employeur, des postes de travail temporaires occupés de manière permanente, non-paiement des heures supplémentaires, conditions de logements indignes…

Suite aux alertes de la CFDT, l’inspection du travail a mené un rapport sur les pratiques de l’entreprise. D’après le rapport, « l’heure de travail était facturée 13,50 € alors qu’avec les boîtes d’intérim françaises, c’est d’ordinaire 17,50 € ». Plus de 47 000 heures de travail ont été dissimulées, correspondant à 29 emplois à temps plein sur une année et à un préjudice de plus de 261 000 euros. L’entreprise invoque une pénurie de personnel dans les boîtes d’intérim de la région.

Le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc a rendu sa décision le 11 novembre 2018. Il condamne l’entreprise à une amende de 261 000 €, le gérant à une amende de 10 000 € et à deux mois de prison avec sursis.

 

La CFDT poursuivit pour diffamation

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Dans un communiqué de presse dénonçant le comportement de l’entreprise envers ces salariés bulgares, les militants CFDT emploient les termes « d’esclavage moderne » et « d’atteinte à la dignité humaine ». « A travers ce tract, nous dénoncions un système. Nous ne nous attaquions pas à une personne », résume Jean-Luc Feillant à nos collègues de Syndicalisme Hebdo.

Pourtant, Jean Chéritel poursuivra injustement nos trois militants signataires du communiqué de presse pour diffamation publique et délit de presse. Si le tribunal a reconnu le caractère diffamatoire des propos, il les a relaxés en juin 2021 en reconnaissant leur bonne foi et l’absence d’animosité personnelle envers Jean Chéritel. L’entrepreneur a néanmoins décidé de faire appel face à ce verdict. Il réclamait 30 000€ de dommages et intérêts.

Ce n’est qu’au début du mois d’avril 2022 que Yannick, Jean-Luc et Marie-Jeanne peuvent définitivement tourner la page, la relaxe étant confirmée par le jugement de la Cour d’appel.

La CFDT mène depuis des années un combat pour le respect des droits des salariés émigrés et la lutte contre le dumping social qui en découle. Elle continuera à tout mettre en œuvre pour que la dignité et les droits de chaque salarié soient respectés.