Entre harcèlement et discrimination : Facko Diouf, délégué syndical de FenêtréA

Publié le 25/02/2022

A l'initiative de la création de sa section au sein de l'entreprise FenêtréA à Beignon (450 salariés) dans le Morbihan, Facko Diouf a accepté de revenir sur son parcours syndical. Une leçon de courage et une histoire poignante et inspirante pour tous les militants CFDT.

CFDT : Bonjour Facko, peux-tu nous parler de ton parcours, et de ce qui t’a amené à la CFDT ?


Je suis originaire du Sénégal. J’ai fait une partie de mes études en Angleterre où j’ai obtenu une maîtrise en lettres, puis une en biologie, avec spécificité sur les reptiles. J’ai ensuite travaillé douze ans sur des projets à l’étranger pour l’Union internationale pour la conservation de la nature en lien avec les Nations unies.  La base était située au Sénégal. C’est là que j’ai rencontré ma femme, qui était bretonne. Installé en France, j’ai cherché du travail en lien avec mes études, mais sans succès.

J’ai travaillé en contrat intérimaire dans plusieurs entreprises et FenêtréA m’a proposé un CDI. Dans cette entreprise, il n’était pas question de syndicat. Mais, pour moi, il manquait quelque chose face à un patron qui agissait de manière imposante. Un jour, j’ai vu une dame (Isabelle) qui distribuait des tracts dans la zone industrielle. Je suis allé la voir pour lui demander un paquet de tracts afin de les distribuer à mes collègues. C’était ma première rencontre avec la CFDT.

CFDT : Eh bien, tu en as fait des kilomètres pour rencontrer la CFDT !!
Et comment la CFDT a été accueillie dans l’entreprise ?


Alors, pour le patron, pas très bien, mais pour les salariés, en revanche, c’était apprécié, mais il fallait être discret, car la peur des représailles était présente. Les salariés me disaient : « Tu sais, Facko, le patron, c’est un Breton, et il est puissant, on ne peut rien y faire. » Je leur ai proposé de me présenter aux élections et je leur ai dit : « Vous savez, c’est nous qui lui donnons sa puissance ! » Et à partir de ce moment-là, l’aventure a commencé avec le Syndicat Chimie Energie Bretagne, qui a été à nos côtés à chaque instant.

CFDT : J’imagine que tout ne s’est pas passé tranquillement…  


Oh, non ! Ca a commencé par une proposition d’un bon poste en échange de l’abandon de mon engagement syndical. J’ai évidemment refusé.
Ensuite, cela s’est corsé. Injures, pneus crevés, et un faux couteau en plastique a été inventé pour me dénoncer pour radicalisation et menace de mort sur mes collègues dans l’entreprise. Là, j’avoue que je ne m’y attendais pas. Un collectif CFDT discret commençait à se former à ce moment-là.

Je n’ai pas eu le choix que de rester chez moi trois mois pendant que l’enquête se déroulait. J’ai été interrogé par l’inspection du travail, qui a demandé ma réintégration. L’entreprise a fait appel de la décision auprès du ministère du Travail, qui est arrivé à la même conclusion que l’inspection du travail.

CFDT : Comment ont réagi tes collègues de travail pendant cette période compliquée à vivre ?


Il s’est passé quelque chose de merveilleux. Tous les jours, des salariés passaient me voir à la maison. Et ils ont décidé de faire signer une pétition pour demander ma réintégration. Et là, j’ai compris que j’avais, malgré moi, atteint mon objectif de fédérer les salariés. A mon retour dans l’entreprise, on m’a proposé une rupture conventionnelle. J’ai répondu : « Je n’ai qu’une chose en tête, retrouver mes collègues de travail et leur proposer d’adhérer à la CFDT. »

CFDT : C’est une vraie aventure, et surtout une preuve que tes convictions et tes valeurs sont sans faille, bravo. Et après ça, où en est la CFDT chez FenêtréA ?


A mon retour en atelier, j’ai de nouveau été harcelé, mais là, c’était par les salariés qui voulaient adhérer. Nous sommes presque 70 adhérents maintenant, et aux prochaines élections nous pourrons présenter une liste complète CFDT. Aujourd’hui, les salariés sont fiers de s’afficher CFDT et, c’est sûrement la plus belle revanche que l’on pouvait souhaiter. 

CFDT : Merci Facko, et bravo à toi et à tes collègues et adhérents de chez FenêtréA pour cette belle histoire qui, c’est sûr, a encore de belles pages à écrire.

 
Article écrit par la Fédération CFDT Chimie et Energie