FINISTÈRE. LA CFDT OBTIENT LA CONDAMNATION DE TROIS EMPLOYEURS EXPLOITANT DES salariés ÉTRANGERS

Publié le 09/12/2022

Ces 3 derniers mois, la CFDT du Finistère a obtenu la condamnation aux prud’hommes de trois employeurs qui exploitaient des travailleurs étrangers. Des salariés qui ont en commun d’avoir travaillé en dehors du cadre légal, sans salaire, avec des conditions de travail qui pourraient s’apparenter à de l’esclavagisme moderne.

Âgé de 25 ans, Hassan* est embauché en août 2020 en tant que cuisinier dans un restaurant de Landerneau. Très vite, ce nouveau job se transforme en cauchemar pour le jeune homme d’origine pakistanaise. Son employeur lui impose des cadences d’enfer, au mépris de toutes les règles du code du travail, allant parfois jusqu’à 60h par semaine. À huit reprises, Hassan ne perçoit pas son salaire. Le reste du temps, il ne le reçoit pas en intégralité et ne dispose pas de complémentaire santé, pourtant obligatoire. De plus, le jeune homme loge dans un appartement insalubre mis à disposition par son employeur.

Au bord de l’épuisement, le jeune cuisinier finit par quitter son poste en décembre 2021 et sollicite la CFDT du Finistère. La structure prend en charge le dossier et se porte partie civile au conseil des Prud’hommes. L’ensemble du préjudice se chiffre à 33 677 € bruts. « Ces conditions d’hébergement indignes et le fait de ne pas être payé sont assimilables à de l’esclavage moderne ! » affirme l’avocat de la CFDT face au conseil des Prud’hommes de Brest. En octobre, la CFDT obtient gain de cause et fait condamner l’employeur en référé à verser les dommages et intérêts.

 

Chantiers non payés, entreprise sans adresse…

Hassan est loin d’être seul dans cette situation. Originaires de Grenade, un homme d’une cinquantaine d’années, accompagné par son fils de 25 ans, ont été appelés pour venir travailler en France et réaliser des travaux de rénovation dans un hôtel sur la côte nord finistérienne. « Logés dans un appartement insalubre proche du chantier, cette proximité permet à l’employeur de les mobiliser tant qu’il le souhaite au mépris de la durée légale du travail », s’indigne Solenn Talarmin, secrétaire départementale de la CFDT du Finistère. Ne percevant pas leurs salaires, les deux hommes sont dans l’obligation d’emprunter de l’argent pour se nourrir et retourner en Espagne.

Dans des circonstances similaires, un jeune homme de 24 ans, d’origine afghane, a travaillé en tant que maçon sur un chantier de rénovation à Brest de mars à avril 2021. Malgré de multiples relances, il ne touchera jamais le salaire correspondant. L’affaire a nécessité l’intervention d’un huissier pour l’application du jugement. La convocation du tribunal pour l’employeur est retournée avec la mention « Destinataire inconnu à l'adresse ». L’adresse en question correspond à la boîte postale d’une autre société basée à Cesson-Sévigné (35) qui indique à l’huissier que l’entreprise recherchée a été radiée il y a plus d’un an…

La CFDT du Finistère s’est mobilisée pour défendre ces salariés et les aider à faire valoir leurs droits en finançant leurs frais de représentation devant le conseil des prud’hommes. Dans les deux cas, la CFDT a obtenu gain de cause et a permis le versement des dommages et intérêts aux victimes. De plus, à l’issue des procédures, la DREETS (inspection du Travail) a déposé plainte au pénal envers les employeurs.

 

La main d’œuvre étrangère, une variable économique ?

Le Bureau politique de la CFDT du Finistère « salue ces condamnations et réaffirme la détermination de la CFDT à garantir la dignité de chacun et l’égalité entre tous dans des affaires qu’elle juge honteuses ». En Bretagne, la lutte contre la fraude et l’exploitation des travailleurs étrangers est un engagement de longue date de la CFDT. En 2017, plusieurs élus ont engagé des procédures judiciaires contre l’entreprise Chéritel qui avait recours au travail dissimulé en exploitant des travailleurs bulgares en intérim.

Face aux tensions du marché du travail sur le recrutement, le recours à des travailleurs étrangers est perçu comme une aubaine par les employeurs. Principalement dans le bâtiment, l’agriculture et l’hôtellerie-café-restauration qui sont les principaux domaines d’emploi. Pourtant, les risques d’abus sont bien réels pour ces salariés qui connaissent peu le droit du travail français, ce à quoi s’ajoute la barrière de la langue. Environ 3000 demandes d’asile ont été enregistrées en 2022 pour la région.

En novembre, les ministères du Travail et de l’Intérieur présentaient un projet de Titre de Séjour « Métier en Tension » qui sera discuté en janvier 2023 par l’Assemblée nationale pour faciliter le recrutement de travailleurs étrangers en situation irrégulière dans les secteurs qui manquent de bras. « Plutôt que d’opter pour une approche uniquement utilitariste économiquement, donnons de la reconnaissance sociale à l’égard de ces travailleurs qui contribuent aussi au financement de notre action publique » rappelle Laurent Berger sur France 2, « ce type de décision ne doit pas reposer uniquement sur les patrons qui ne jouent pas forcément le jeu ! »

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*Le prénom a été modifié

 

Repères

La Direction générale de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DREETS) réalise des missions de contrôle et de lutte contre le travail illégal et la fraude.

-2300 contrôles ont été réalisés en 2021

-200 manquements ont été sanctionnés pour un montant total de 428 050 €

-1800 contrôles étaient prévus pour l’année 2022.