Les livreurs rennais manifestent face à la déconnexion de milliers d’entre eux de la part d'Uber Eats et Deliveroo

Publié le 26/10/2022

Lundi 24 octobre, une trentaine de livreurs à vélo se sont mobilisés à Rennes dans le cadre d’un appel national d’Union-Indépendants pour protester contre leurs conditions de travail et contre les pratiques des plateformes de livraison. Cet été, au niveau national, plus de 3000 d’entre eux ont été déconnectés des applications qui leur permettent de travailler.  

Dans le cadre d’une mobilisation nationale, les livreurs rennais se sont rassemblés sur la place Charles-de-Gaulle pour dénoncer les déconnexions abusives des plateformes. « Cet été, les plateformes comme Deliveroo et Uber Eats ont déconnecté plus de 3000 livreursau niveau national sans avertissement », explique Joseph Atangana, militant Union-Indépendants et président du collectif des Coursiers Autonomes de Bretagne. Un chiffre sous-estimé selon lui.

Pour les plateformes, ce qu’on appelle « déconnexion », c’est le fait de supprimer le compte d’un livreur sur l’application qui lui permet de prendre les commandes et d’être rémunéré pour sa course. Fréquentes, ces déconnexions sont largement pratiquées par ces entreprises, sans aucune justification ni recours. « C’est ni plus ni moins qu’un licenciement abusif, sans préavis, vous vous retrouvez sans boulot du jour au lendemain », dénonce Joseph.

En avril 2022, Uber Eats et Deliveroo ont signé une charte avec l’État pour lutter contre la fraude et la sous-traitance irrégulière. Les plateformes justifient cette déconnexion massive de milliers de livreurs par le fait que beaucoup d’entre eux n’ont pas de pièce d’identité ou de permis de séjour. Militant Union et coursier depuis 2 ans, Mohammed rappelle que « lorsque les plateformes sont apparues en 2017, elles savaient très bien qu’elles employaient aussi des sans-papiers. Ces gars ont travaillé depuis plusieurs années, pendant la pandémie, avec des bénéfices pour les entreprises. Et maintenant, on les jette dans la précarité ! » En 2021, Uber Eats a publié un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros.

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Joseph Atangana (à gauche) discute avec ses collègues livreurs

 

Des dérives de la part des clients

Autre risque de déconnexion : le comportement des utilisateurs ! Un signalement négatif ou une mauvaise notation peuvent suffire pour que la mauvaise humeur d’un client bloque l’application d’un livreur. « Par exemple, si tu refuses de monter les dix étages pour livrer devant la porte, tu peux avoir un signalement négatif. Il n’y a pas de règles, Uber reste volontairement flou sur le sujet » explique un livreur assis sur son scooter. Entre 30 et 40% des déconnexions viennent des avis négatifs des clients, selon Joseph Atangana.

Des dérives qui peuvent aller jusqu’aux insultes. « Même si ce sont des cas isolés, il m’est déjà arrivé d’avoir des insultes homophobes ou autres… », signale Joseph. Un autre livreur témoigne au micro : « quand j’attendais une commande avec des collègues, un monsieur est passé et a craché vers nous ! » Joseph interpelle les passants et leur partage les revendications des livreurs : « c’est aussi aux utilisateurs du service de prendre conscience de notre situation ».

 

 

Une première négociation pour la reconnaissance des droits

Depuis longtemps, les Coursiers Autonomes de Bretagne portent une autre revendication : une amélioration de la rémunération de la course. Avec là encore des règles assez floues de la part des entreprises. « Le prix de la course change au cours des années, les plateformes choisissent sans concertation avec les livreurs. Aujourd’hui, je ne sais pas si le livreur touche à peine 10% de ce que le client débourse », indique le président du collectif.

Mercredi 26 octobre s'est ouverte une réunion de concertation entre les représentants des plateformes et ceux des livreurs, sous la supervision de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). De quoi amorcer un dialogue et des pistes de solutions sur un certain nombre de problématiques. « Il y a les déconnexions, la rémunération, mais aussi la possibilité d’utiliser le chiffre d’affaires pour obtenir un titre de séjour pour les sans-papiers, l’obtention des mêmes droits pour les indépendants que pour les salariés, la création d’une mutuelle spécifique en cas d’accident car nous ne sommes pas protégés… » énumère Mohammed.

Avec les premières élections des organisations représentantes des indépendants en mai dernier, l’ouverture de cette concertation constitue une réelle avancée, revendiquée depuis longtemps par Union-Indépendants. Il reste à savoir quel compromis pourra être trouvé avec les plateformes pour améliorer le quotidien des livreurs.

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