Négocier la Transition écologique : quels leviers dans mon entreprise ?

Publié le 07/02/2023

La transition écologique est un sujet de préoccupation majeur pour les salariés, les entreprises et les administrations. Les élus CFDT sont de plus en plus nombreux à se saisir de ce sujet sur leur lieu de travail. Mais comment agir ? Quels sont les leviers et actions qui permettent de faire bouger les lignes et d’investiguer les orientations de l’entreprise ? Réponses avec un état des lieux et par les initiatives des militants CFDT de Cap Gemini.

C’est un enjeu majeur. La question de la transition écologique est appelée à prendre une place centrale au sein du dialogue social. La Loi Climat et Résilience de 2021 inclut les enjeux environnementaux et la transition écologique dans les prérogatives du Conseil Économique et Social (CSE) des entreprises. Une avancée dont nous pouvons nous réjouir et dont les élus CFDT sont en train de se saisir.  

D’autant que la transition écologique fait désormais partie intégrante des préoccupations des salariés, et notamment ceux de la nouvelle génération. D’après un sondage Ipsos réalisé en Février 2022, « l’environnement est le sujet le plus préoccupant au travail chez les jeunes salariés (18-35 ans), au même niveau que le pouvoir d’achat. » Une occasion de répondre aux attentes d’un public en quête de sens au travail.  

Par ailleurs, un grand nombre d’entreprises ont intégré cette dimension dans leur stratégie de communication. Les engagements autour de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) deviennent un élément phare de l’image des entreprises et de leur marketing ; au risque de tomber dans le greenwashing, en utilisant l’argument écologique de manière trompeuse. 

Alors comment s’y retrouver pour les militants CFDT ? Quels sont les leviers pour négocier la transition écologique dans les CSE ? 

 

Les prérogatives du CSE sur la transition écologique 

Le comité social et économique a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts : concernant l'organisation du travail, la formation professionnelle, les techniques de production, et les conséquences environnementales de ces décisions. 

On entend par « conséquences environnementales » plusieurs volets : 

-Les pollutions durables : qualité de l’air, de l’eau et des sols 

-Les conséquences de l’activité de l’entreprise sur le climat 

-La résilience du vivant : perturbations sur les écosystèmes et la biodiversité, bien-être animal 

-Les Ressources épuisables : minerais, essence de bois, etc 

À chaque consultation, il est désormais prévu d’aborder l’impact environnemental de l’activité de l’entreprise. Cette disposition est obligatoire, même lorsqu’un accord sur les consultations a été conclu et n’aborde pas ce thème. Lors des consultations ponctuelles, le CSE doit être informé et consulté sur les conséquences environnementales des décisions de l’employeur. 

C’est aussi un nouvel axe de mission pour l’expert, auquel le CSE peut faire appel pour comprendre les orientations environnementales de l’entreprise. Ces nouvelles prérogatives s’inscrivent en complément du droit d’alerte « santé publique et environnement » institué en 2013. 

 

Négocier la transition écologique, l’exemple de Cap Gemini 

Chez Cap Gemini, les membres CFDT de la commission éco-citoyenneté du CSE ont choisi d'axer la négociation sur la mobilité durable. “Après la période du Covid, nous avons signé un accord télétravail pour réduire les déplacements et pour un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle des salariés” indique Ronan Guillory, délégué CFDT sur le site de Rennes. Parmi les leviers, “nous avons obtenu des prises en charge pour la réparation de vélo et nous avons fixé des critères RSE sur la prime d’intéressement au niveau des déplacements et des formations.” Pour rappel, la loi LOM du 24 décembre 2019 impose aux entreprises soumises aux négociations salariales d’inclure le sujet de la mobilité dans ces négociations. 

Autre rayon d’action, les élus ont travaillé sur les Activités Sociales et Culturelles (ASC). “La CFDT a porté la réalisation d’un éco-score pour les prestataires et une Charte pour des voyages éco-responsables.” précise Ronan. Pour faciliter la mise en place du projet, les élus sensibilisent les salariés via des conférences et des ateliers sur la fresque du climat. De cette fresque du Climat, une nouvelle ambition a vu le jour. Les salariés souhaitent adapter l’architecture des programmes informatiques produits par l’entreprise pour réduire leur consommation d’électricité, et donc leur émission de gaz à effet de serre. 

“C’est un travail d’amélioration continue qui a pris du temps, il y a encore des freins mais on espère continuer à progresser” explique le syndicaliste. Secrétaire confédérale en charge du dossier, Laure Pelletier rappelle aussi que “les secteurs d’activité traditionnels qui sont les plus touchés par la transition écologique doivent anticiper l’évolution des métiers et les besoins en formation des salariés”. Il appartient aux élus CFDT de prendre en compte les enjeux de la transition écologique dans la négociation de la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) dans l’entreprise. 

 

Les obligations de reporting environnemental des entreprises françaises 

Parmi les leviers disponibles, les élus peuvent s’appuyer sur plusieurs rapports de l’impact environnemental de l’activité de l’entreprise. Parmi les principaux, on retrouve : 

-Le Bilan des Émissions de Gaz à Effet de Serre (bilan carbone) : diagnostic des émissions de gaz à effet de serre, accompagné d’une synthèse des actions envisagées pour réduire ces émissions. Ce bilan doit être publié par les entreprises de plus de 500 salariés tous les 4 ans / les établissements publics de plus de 250 agents tous les 3 ans / collectivité territoriale de + de 50 000 habitants tous les 3 ans. 

- La Déclaration de Performance Extra-Financière (reporting RSE) : publication annuelle des informations détaillées des entreprises sur les aspects environnementaux, sociaux et sociétaux, pertinents pour évaluer leur responsabilité et leur durabilité. Concerne les entreprises cotées de + de 500 salariés et avec un chiffre d'affaires supérieur à 40 M€, ou les entreprises non cotées de + de 500 salariés avec un chiffre d'affaires supérieur à 100 M€. 

-Le Plan de Vigilance : plan annuel de prévention des risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé-sécurité et à l’environnement pour les très grandes entreprises. Concerne toute société enregistrée au Code de commerce en France, avec + de 5 000 salariés. Le périmètre inclut les filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France et à l’étranger. 

-La Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales  

 

Ces éléments peuvent servir aux élus à investiguer la stratégie de l’entreprise et l’efficacité des moyens mis en place par cette dernière pour réduire son impact environnemental. Ils peuvent aussi être mis en comparaison avec les engagements et la communication de l’entreprise. Ce sont des leviers pour le dialogue social, qui permettent d’anticiper les impacts économiques et sociaux des orientations de l’entreprise. Car les oppositions entre la dimension sociale et la transition écologique relèvent souvent d’un manque d’anticipation conclut Laure Pelletier, la transition sociale et la transition écologique doivent être pensées en même temps.