SNCF : les adhérents de la CFDT Cheminots Bretagne votent la grève reconductible !

Publié le 20/03/2023

Mardi 7 mars, la CFDT Cheminots Bretagne a voté la grève reconductible lors d’une assemblée générale intersyndicale en gare de Rennes. Déjà mobilisés les 5 premières journées de manifestations contre la réforme des retraites, les cheminots ont choisi de durcir le mouvement face aux annonces du Sénat contre les régimes spéciaux. Rencontre avec les adhérents de la SNCF en Bretagne.

L'assemblée générale intersyndicale des cheminots de Bretagne, 7 mars, gare de Rennes.

Non loin de la gare de Rennes, les militants de la CFDT Cheminots Bretagne se sont réunis le mardi 7 mars dans leur local syndical situé derrière la voie ferrée, rue Pierre Martin. L’ambiance est à la bonne humeur en ce début de matinée. Les militants réchauffent du café en échangeant quelques plaisanteries. Pourtant, derrière les sourires se cache une solide détermination. Les cheminots s’apprêtent à rejoindre une assemblée générale dans la gare de Rennes pour voter sur les suites du mouvement.

Le 27 février, le syndicat CFDT Cheminots votait la grève au niveau national. Cette décision fait suite à un vote auprès des adhérents CFDT de la SNCF : 80% d’entre eux se sont déclarés en faveur d’un mouvement de grève reconductible contre la réforme des retraites. Il appartient aux structures régionales de confirmer cette décision. « "La Cheminots Bretagne" votera Pour, car le nombre d’adhérents qui y sont favorables est du même ordre en région » affirme Charlène Divet, responsable régionale de la branche Cheminots. La section regroupe 230 adhérents en Bretagne et se trouve en 2eme position en termes de représentativité syndicale.

Les régimes spéciaux de nouveau dans le viseur

Dès le 19 janvier, la CFDT Cheminots était vent debout contre le projet de réforme du gouvernement et défilait dans la rue. Il faut dire qu’ils seront nombreux à être impactés par les conséquences du texte. « On oublie souvent que tout le monde ne bénéficie pas du régime spécial chez les cheminots. La SNCF emploie un grand nombre de personnels contractuels qui sont soumis au régime général de retraites et qui partiront à 64 ans si le texte passe », rappelle Charlène au milieu des autres militants.

« Pour les personnels statutaires, c’est un peu différent », explique Yann, militant CFDT et conducteur de train. Le régime des cheminots prévoit un âge légal de départ à la retraite à partir de 57 ans pour les statutaires, et à 52 ans pour les conducteurs de train. « La réforme les conduirait à passer de 57 ans à 59 ans, et de 52 ans à 54 ans pour les conducteurs » détaille le militant. Le calcul des pensions se fait quant à lui sur les 6 derniers mois de salaire.

C’est sans compter sur l’examen du projet de loi par le Sénat. Fin février, les sénateurs du groupe Les Républicains annoncent la couleur : « nous voulons accélérer la convergence des régimes spéciaux sur le régime général dès 2025. » Une remise en question de la clause du grand-père négociée lors de la réforme ferroviaire de 2018. Cette clause supprimait le régime spécial pour les nouveaux embauchés, et permettait aux cheminots sous statut de bénéficier du régime lors de leur départ. Les sénateurs LR seront contraints d’y renoncer, quelques semaines plus tard.

L’annonce a suscité la colère des adhérents de la CFDT Cheminots. « Certains adhérents qui n’étaient pas en faveur de la grève reconductible ont finalement changé de position face à ces annonces », confirme Charlène. À l’autre bout de la pièce, un militant abonde : « c’est une vraie problématique pour le travail syndical ! Comment avoir confiance dans la continuité de la parole publique si les accords négociés sont remis en question à la moindre occasion ? »

IMG 4010

Charlène Divet, au centre, esplanade Charles de Gaulle

La pénibilité des métiers souvent méconnue

Les cheminots le reconnaissent volontiers, ils ne pellettent plus le charbon dans la locomotive. Pour autant, ces métiers conservent des problématiques bien spécifiques. Contrôleuse de train depuis 17 ans, Charlène connaît bien ces difficultés : « c’est pire que des horaires décalés, il faut jongler entre les matinées, soirées, journées, au fil de la semaine. À 35 ans, je sens bien la différence au niveau du corps. » Sans oublier de nombreuses journées à résider à l’hôtel ou dans les foyers de la SNCF pour les contrôleurs et conducteurs de train. « C’est difficile de concilier le travail et la vie personnelle quand on ne rentre pas chez soi tous les soirs, week-ends compris », ajoute Charlène.

Pour démontrer les effets de cette pénibilité, les adhérents CFDT pointent les difficultés de recrutement de l’entreprise. « C’est facile de nous pointer du doigt, mais quand on regarde nos métiers d’un peu plus près, personne ne veut venir y travailler », dénonce Yann. Que ce soit chez les mécanos, les conducteurs et contrôleurs ou encore, à « la réseau » (gestion de la circulation), les cheminots peinent à attirer de nouveaux candidats. « On voit des démissions et des mises en dispo chez les jeunes que l’on ne voyait pas avant », constate Charlène.

IMG 3987IMG 4003

Prise de parole intersyndicale, gare de Rennes

« Entre la SNCF et les Français, ça a toujours été je t’aime… moi non plus »

Vers 10h, les adhérents de la CFDT Cheminots avancent le long des anciens bâtiments ferroviaires pour rejoindre la gare. Historiquement, les cheminots tiennent toujours une assemblée générale pour sensibiliser et informer leurs collègues avant de voter sur les suites du mouvement. « L’unité syndicale renforce la mobilisation, et avec la dynamique de l’interprofessionnelle, c’est plus facile de rassembler » note Charlène. Près de 250 salariés se sont regroupés sur le parvis de la gare avant la prise de parole intersyndicale.

« Entre la SNCF et les Français, ça a toujours été je t’aime… moi non plus. C’est un paradoxe », ajoute David. « On est critiqué lorsque l’on fait grève, mais la plupart du temps c’est surtout pour un service de qualité que l’on se bat, avec plus de personnels dans les gares et derrière les guichets » poursuit ce mécano qui s’occupe de la maintenance. Pourtant, les militants sont unanimes : les choses sont différentes cette fois-ci. « Il y a un changement de paradigme. On rencontre un vrai soutien de la part des usagers, c’est assez inédit ! » confirme Charlène.

Sans surprise, les cheminots confirment le mouvement de grève reconductible et la section de Charlène se met en marche vers l’esplanade Charles de Gaule pour rejoindre le cortège CFDT. « Ce ne doit pas être une grève par procuration » prévient David, « chacun doit se mobiliser pour donner de la force au mouvement ». Message entendu : 40 000 personnes ont manifesté dans les rues de Rennes lors de cette journée.

IMG 4173

La CFDT Cheminots Bretagne au sein du cortège de Rennes, le 7 mars.