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APC : pour être valable, le licenciement doit avoir lieu dans les 2 mois

Publié le 18/10/2023

L’employeur peut-il invoquer le motif spécifique résultant du refus par le salarié de l’application de l’APC au-delà du délai imparti par la loi pour le faire ? Autrement dit, peut-il fonder son licenciement sur ce motif au-delà de 2 mois après le refus du salarié ? Non, répond la cour d’appel de Toulouse. CA Toulouse, 23 juin 2023, n°21/01577.

Un salarié refuse la mobilité prévue par accord l’APC…

Dans cette affaire, pour faire face à la fermeture prévisible de magasins, un APC prévoyant des dispositions relatives à la mobilité géographique avait été négocié. 


Pour rappel, l’article L. 2254-2 du Code du travail autorise les accords de performance collective à prévoir des dispositions se substituant aux clauses contraires du contrat de travail dans les domaines suivants: aménagement de la durée du travail, de ses modalités d’organisation et de répartition; aménagement de la rémunération (…) dans le respect des salaires minima hiérarchiques; détermination des conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

A la suite de la fermeture du magasin dans lequel il était affecté, un responsable se voit proposer une mobilité géographique, conformément à l’APC. Il refuse en novembre 2018. Son employeur le licencie en mars 2019. La lettre de licenciement fait référence à l’APC et à son refus de la mobilité géographique proposée pour justifier son licenciement.

Le salarié saisit le conseil de prud’hommes, qui n’accueille que partiellement ses demandes, en particulier sur le quantum d’indemnisation. Il interjette donc appel et demande à nouveau que son licenciement soit considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au-delà du délai légal, l’employeur ne peut se prévaloir d’un « motif spécifique »

Devant la cour d’appel, pour dire le licenciement injustifié, le salarié fait valoir que le licenciement ne pouvait reposer sur le motif spécifique, prévu par l’article L. 2254-2 du Code du travail, car il n’avait pas été prononcé dans le délai de 2 mois imparti par la loi. Selon lui, ce délai est un délai maximum au-delà duquel le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L’employeur, au contraire, soutient que le délai de 2 mois posé par la loi n’ayant pas de sanction explicite, son non-respect ne pouvait invalider le licenciement. Il ajoute que ce délai n’est pas d’ordre public et qu’il peut y être dérogé par accord du moment que le licenciement est prononcé dans un « délai raisonnable » (1).Aux termes du V de l’article L. 2254-2 du Code du travail, l’employeur dispose d’un délai de 2 mois à compter de la notification de son refus par le salarié pour engager une procédure de licenciement. « Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse ».

La cour d’appel relève que la lettre de licenciement ne fait référence qu’au motif spécifique découlant de l’APC et du refus du salarié. Elle rappelle ensuite les dispositions légales et relève que le salarié avait notifié son refus en novembre 2018 et que l’employeur l’avait licencié en mars 2019 ; autrement dit, qu’il s’était écoulé bien plus de 2 mois entre le refus du salarié et sa convocation à un entretien préalable.

En définitive, pour la cour d’appel, les APC doivent respecter le cadre légal précisé dans l’article L. 2254-2 en vertu duquel (…) l’employeur dispose d’un délai de 2 mois à compter du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Pour la cour d’appel, ce délai ne pouvait être laissé à la libre appréciation des partenaires sociaux.

C’est pourquoi, selon les juges, « le délai de 4 mois à l’issue duquel a été engagée la procédure de licenciement (…) privait l’employeur de laisser de la possibilité de fonder la rupture sur le motif sui generis tiré du refus de la mobilité du salarié ; l’employeur conservant toutefois la possibilité de fonder le licenciement sur un autre motif ».

 

  • Cette notion de « délai raisonnable » apparaît dans la décision n°2017-655 du Conseil constitutionnel se prononçant sur les accords de préservation et de développement de l’emploi, dont sont issus les APC, en ces termes : « un licenciement fondé sur ce motif spécifique ne saurait, sans méconnaître le droit à l’emploi, intervenir au-delà d’un délai raisonnable à compter de ce refus».

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