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Rupture conventionnelle : comment calculer l’indemnité due au salarié ?

Publié le 31/01/2024

Quelles sommes doit-on prendre en compte pour calculer le montant d’une indemnité de rupture conventionnelle ? Peut-elle être inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement ? Doit-on se baser sur le mois précédant le dernier mois travaillé ou sur celui précédant la signature ? Autant de questions auxquelles la Haute juridiction a récemment apporté des réponses. Cass.soc.10.01.2024, n°22-19165.

Un salarié signe une rupture conventionnelle, puis conteste l’indemnité versée…

Un salarié, travaillant dans une entreprise dépendant de la CCN des industries chimiques et connexes, signe une rupture conventionnelle avec son employeur le 12 octobre 2017. En application de cette convention, son contrat de travail prend fin le 19 novembre de la même année.

Cependant, il se rend compte a posteriori que le montant de l’indemnité qui lui a été versée ne correspondait pas à l’indemnité qu’il aurait dû percevoir.

L’article L.1237-13 du Code du travail prévoit que le montant de l’indemnité de rupture, qui est prévue par la convention, ne peut être inférieur à l’indemnité légale de licenciement. Toutefois, dans un avenant n°4 du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008, étendu par arrêté du 26 novembre 2009, les partenaires sociaux ont prévu que l’indemnité prévue lors d’une rupture conventionnelle doit être au moins égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement lorsque celle-ci est plus favorable à l’indemnité légale.

Il saisit donc le conseil de prud’hommes pour demander un complément d’indemnité. A l’appui de sa demande, il fait valoir en premier lieu que, pour calculer son indemnité, l’employeur aurait dû se baser sur la rémunération du mois précédant la signature de la rupture conventionnelle (le mois de septembre), ainsi que le prévoyait la CCN pour le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

D’autre part, il prétend que, en application de la CCN la rémunération totale perçue lors de ce mois devait être prise en compte, incluant la participation et autres primes.

En appel, les juges font droit à sa demande sur le premier point et condamnent l’employeur à un complément d’indemnité. En outre, les juges décident qu’en application de la CCN, l’employeur devait effectivement intégrer l’ensemble des sommes versées au titre dudit mois à l’assiette de calcul (participation et primes incluses).

L’employeur forme un pourvoi. Selon lui, il fallait retenir la rémunération du mois précédant la date de rupture fixée par la convention (donc le mois d’octobre).

La Cour de cassation était donc invitée à préciser comment calculer l’indemnité de rupture conventionnelle en présence de dispositions conventionnelles.

L’indemnité ne peut être inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement

Dans un premier temps, la Cour de cassation prend soin de rappeler que si le Code du travail prévoit uniquement que l’indemnité de rupture conventionnelle ne doit pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement, les partenaires sociaux ont complété cette garantie par avenant à l’ANI du 11 janvier 2008 :

« Selon l’avenant du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par l’article L.1237-13 du code du travail ne peut pas être d’un montant inférieur à celui de l’indemnité conventionnelle de licenciement, lorsque celle-ci est supérieure à l’indemnité légale ».

C’est pourquoi les juges ont condamné l’employeur à verser un complément d’indemnité, l’indemnité conventionnelle étant en l’espèce plus favorable que l’indemnité légale.

A noter que l’avenant s’applique largement (hormis aux entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire, professions agricoles, professions libérales, secteur sanitaire et social, secteur de la presse) puisqu’il a été étendu.

 

L’indemnité légale est calculée selon les règles fixées par les articles R.1234-1 et 1234-2 du Code du travail. Elle varie en fonction de l’ancienneté du salarié est d’au moins ¼ de mois de salaire jusqu’à 10 ans d’ancienneté et d’1/3 au-delà.

 

La rémunération à prendre en compte est celle précédant la signature de la convention

Se posait ensuite la question de savoir sur quelle base calculer l’indemnité : en se référant aux rémunérations de la période précédant la prise d’effet de la rupture (donc au mois d’octobre) ou bien aux rémunérations de la période précédant la signature de la convention (donc au mois de septembre) ?

En effet, la CCN prévoit que la base de calcul de l’indemnité de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée pendant le mois précédant le préavis de licenciement et qu’elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le congédiement.

Cette règle s’applique-t-elle au calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle ? L’enjeu était important car la participation avait été versée au mois de septembre.

La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que la règle était prévue pour s’appliquer au licenciement et donc que

« en l’absence de licenciement et d’exécution du préavis, il convenait de prendre en compte le salaire du mois précédant la signature de la convention de rupture. »

La CCN a donc été interprétée strictement et son application a été écartée sur ce point. La prise en compte de la date de signature permet sans doute d’éviter les aléas liés au fait que normalement la rupture prend effet au plus tôt le lendemain de son homologation (art. L1237-13, alinéa 2). Par conséquent à une date inconnue à l’avance par les parties, et qui d’un jour à l’autre pourrait modifier le calcul.

Lorsque la CCN le prévoit, l’assiette de calcul doit intégrer toutes les composantes de la rémunération mais au prorata temporis

Dans son pourvoi, l’employeur reprochait également aux juges du fond de l’avoir condamné à payer un complément d’indemnité calculé sur la base de la totalité de la rémunération versée au mois de septembre. Or, selon lui si les sommes autres que le salaire de base peuvent être prises en compte ce n’est qu’au prorata temporis.

La Cour de Cassation censure l’arrêt d’appel et donne raison à l’employeur sur ce point en ces termes :

« à défaut d’autre disposition de la convention collective, celles des primes et gratifications versées au cours du mois de référence, et dont la périodicité est supérieure à un mois, ne peuvent être prises en compte que pour la part venant en rémunération de ce mois ».

La Cour de cassation confirme ici une solution déjà adoptée en interprétation de cette CCN ayant déjà jugé que les primes annuelles de vacances et de treizième mois devaient être incluses au proprata temporis (1). Cette solution a été reprise pour l’interprétation d’autres CCN.

Par ailleurs, l’arrêt confirme que si en principe, les primes d’intéressement ou de participation ne sont pas prises en compte dans le calcul de l’indemnité légale de licenciement, un accord collectif peut décider de les inclure à l’assiette de calcul (2).

 

(1) Cass.soc.18.06.2002, n°00643501.

(2) Pour une décision récente : Cass.soc.29.11.2023, n°22-18555 

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