Crise énergétique : quelles entreprises fragilisées en Bretagne ?

Publié le 03/10/2022

Factures qui explosent, risque annoncé de coupures de gaz et d’électricité… De nombreuses entreprises bretonnes sont fragilisées par la crise de l’énergie qui frappe la France. Parmi les plus gros consommateurs, certains anticipent déjà un hiver difficile, avec des conséquences désastreuses pour les salariés. Nos équipes CFDT livrent leurs inquiétudes et se mobilisent pour y faire face !

En matière d’énergie, le discours d’Elisabeth Borne lors de la réunion d’été du Medef le 29 août dernier donne le ton. La première ministre exhorte les entreprises à la sobriété énergétique, en précisant « qu’en cas de rationnement de l’énergie cet hiver, les entreprises seront les premières touchées. » Entre la fin des livraisons de gaz russe à la France et l’arrêt partiel du parc nucléaire national, l’approvisionnement énergétique des entreprises risque d’être mis à mal.

Déjà, les services de la préfecture régionale de Bretagne préparent « des dispositifs de délestage » qui toucheront les plus gros consommateurs parmi les entreprises en cas de tension sur l’électricité, « pour une durée maximale de deux heures par jour » détaille le préfet. Les sites stratégiques comme les hôpitaux ou l’éclairage public seront épargnés.

Un dispositif présenté comme « de dernier recours » en cas de pénurie trop importante sur l’alimentation régionale, si les appels à la sobriété de chacun et les réductions de tension jusqu’à 5% se révélaient insuffisants. Une explication qui ne convainc guère, dans les entreprises concernées. 

Quant au gaz, les coupures ne concerneraient là encore que les entreprises, mais pourraient durer jusqu’à 7 jours d’affilée. D’ici à la fin de l’année, une liste doit être établie sur les cibles prioritaires de ces coupures.

 

« Faire travailler les salariés en heures creuses, la nuit et les week-ends… »

L’agroalimentaire breton, qui représente 40% des emplois industriels du territoire, sera parmi les plus à risques. Une activité particulièrement énergivore, des tours de séchage du maïs pour l’électricité aux cultures sous serres pour le gaz. « De nombreuses grandes entreprises du secteur sont concernées comme Eureden, la Cooperl, Nutréa ou encore Garun-Paysanne », pointe Xavier Riou, secrétaire général du syndicat Agri-Agro des Côtes d’Armor.

Fraichement réélue à la tête du syndicat Chimie Énergie Bretagne, Isabelle Rault est particulièrement inquiète pour les salariés du secteur. Le contrat avec le fournisseur de gaz d’une des grandes entreprises de plasturgie du Morbihan arrive à échéance fin octobre. « Le nouveau contrat passerait de 10 000 à 100 000 € pour la fin de l’année ! », s’étouffe Isabelle. « En CSE extraordinaire, la direction envisage de faire travailler les salariés en heures creuses, la nuit et les week-ends, pour diminuer le coût de la facture…

Ce syndicat régional redoute aussi les potentielles coupures d’électricité. Au sein des sites bretons de l’entreprise Cargill, spécialisée dans la nutrition animale, les machines restent allumées 24h/24. « Il ne suffit pas de décider arbitrairement de les éteindre », s’exaspère la secrétaire générale « car leur remise en route est longue, compliquée et consomme beaucoup d’énergie ».

Si l’électricité risque de manquer, elle coûte aussi plus chère avec des factures qui doublent, triplent, voire plus encore, pour les entreprises. Le bouclier tarifaire, instauré à l’automne 2021 et prolongé sur l’année 2023, réduit la hausse des prix pour les particuliers mais ne protège pas les entreprises. Or, l'augmentation des coûts peut avoir un impact sur les emplois. Les salariés desTPE et PME sont particulièrement touchés, notamment dans les secteurs de la boulangerie et de la restauration qui sont très consommateurs en électricité.

 

Comment agir syndicalement ?

La CFDT fera pression sur le gouvernement pour maintenir le dispositif de chômage partiel afin de protéger les salariés qui subiraient les effets de cette crise. Déjà, les laboratoires Goëmar, producteurs d’engrais basés à Saint Malo, se sont séparés de leurs intérimaires face à la baisse de la production. Reste la question des salaires face à l’inflation. La grogne monte dans les entreprises. Nombre d’entre elles repoussent les discussions sur les salaires, y compris celles dont les résultats permettraient de soulager les salariés sans mettre en péril la santé économique de l'entreprise.

« Dans le groupe PSA, qui compte un site en Ille-et-Vilaine, la CFDT a envoyé quatre courriers à la Direction Générale pour aborder la question des salaires. Tous sont restés sans réponse, malgré les bons résultats économiques » déplore Laurent Vally du syndicat de la métallurgie. La Direction a donné suite le 27 septembre, notamment en proposant des primes de fin d'année. « L’augmentation des salaires est une nécessité, on ne résoudra pas le problème du pouvoir d'achat et de l’inflation à coup de primes », rétorque le métallurgiste.

Cette problématique énergétique est aussi l’occasion de remettre la transition écologique au cœur du dialogue social de l’entreprise et d’y associer les salariés afin de construire une stratégie socialement acceptable. Depuis la loi Climat et Résilience de 2021, le sujet fait partie des prérogatives des CSE, mais reste encore trop souvent absent des discussions.

Secrétaire général de la CFDT Bretagne, Christophe Rondel souhaite mettre cet enjeu au cœur des débats : « les discussions se résument souvent au bilan Carbonne généré par l’activité de l’entreprise, sans prendre en compte celui de ses travailleurs. Par exemple, il faut inclure la question de la mobilité des salariés entre leur domicile et le lieu de travail. » La CFDT forme déjà certaines sections pour négocier autour de la Transition Écologique dans les CSE. En septembre 2021, la CFDT a créé le réseau des « Sentinelles Vertes » ouvert à tous les adhérents pour développer la transition écologique dans les entreprises. Ces groupes de travail ont produit de nombreux outils à destination des équipes CFDT, pour leur permettre d'agir en faveur de la transition écologique du monde du travail.

 

En lien : Webinaire sur "La Transition juste dans les CSE" le 13 octobre 2022 (voir invitation ci-dessous)

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