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Couacs en série dans l’enseignement agricole privé

Publié le 02/04/2024

Début mars, la coordination nationale des syndicats FEP CFDT a adressé un rapport au ministère de l’Agriculture intitulé “Couacs en série”. Ce rapport pointe une montée en puissance des dysfonctionnements administratifs dans la gestion des dossiers des enseignants des lycées agricoles privés. La CFDT revendique des mesures structurelles pour faire cesser cette situation dramatique pour les agents. Rencontre avec Boris Genty, délégué régional de la FEP CFDT.

Boris Genty (délégué régional Agri FEP-CFDT) lors d'un entretien avec le cabinet du Ministre de l'Agriculture

La situation n’est pas nouvelle mais elle empire avec le temps. Depuis plusieurs années, les retards administratifs s’enchaînent dans le traitement des enseignants des lycées agricoles privés. Le manque de moyens des services du ministère de l’Agriculture a fait du retard la norme dans la gestion des dossiers. Absence de contrat de travail, retard de plusieurs mois sur le versement des salaires, non-prise en compte des changements d’échelon... Ces couacs en série engendrent des situations dramatiques.  

Boris Genty, professeur de physique-chimie au lycée agricole de Quessoy (22) et délégué régional FEP CFDT sur la branche lycée agricole a vu ces dysfonctionnements se multiplier au cours des derniers mois. Ce dernier témoigne d’une « augmentation du nombre de cas qui nous était remonté par les délégués syndicaux dans les 14 établissements bretons, et sur des sujets de plus en plus variés. » Une problématique qui dépasse largement les frontières bretonnes puisque la coordination nationale constate des dysfonctionnements similaires pour les agents contractuels d’État dans l’enseignement agricole privé. 

Dans un courrier adressé au ministre de l’Agriculture et aux parlementaires bretons, la FEP CFDT interpelle sur les nombreux problèmes de ressources humaines au travers d’un rapport intitulé Couacs en série. Ce rapport est issu d’un long travail syndical de six mois, dans lequel les élus ont recensé des situations personnelles accompagnées par la FEP CFDT à travers 17 thématiques. « Nous nous étions engagés à rendre publiques ces situations pour alerter le ministère et les élus locaux sur cette situation. Maintenant nous attendons du changement », explique Boris Genty. 

 

« Madame O n’a pas perçu de salaire depuis 5 mois ! » 

Ce recueil illustre les difficultés bien réelles d’un service parfois tenté de nier l’évidence. Dans un mail daté du 5 janvier 2023 à destination des services RH du ministère, la FEP CFDT pointe le cas d’une adhérente CFDT contractualisée en septembre 2022 et n’ayant pourtant pas perçu de salaires depuis 5 mois. Elle ne sera régularisée que fin janvier suite à des retards dans la prise en charge du dossier. Le montant de la somme à régulariser atteint 11 000 euros. Dans un autre lycée, Monsieur A, adhérent CFDT, a réduit son temps de travail de 10% selon sa demande. Cette modification de sa quotité horaire a mis dix mois à être prise en compte par l’administration, entraînant un trop perçu de plus de 3000 euros. 

« On pourrait multiplier les exemples, nos collègues enseignants sont nombreux à connaître ces difficultés », souligne Boris Genty. « Les élus CFDT dans les établissements font face à beaucoup de souffrance au quotidien. Les collègues sont désemparés et viennent vers nous pour débloquer leur situation. » Dans les échanges de mails, de nombreux agents témoignent : « je suis dégoûtée, scandalisée et en pleurs au vu de ma situation », « l’État, premier employeur de France, où tu dois pleurer ton dû : SCANDALEUX ! », « psychologiquement, physiquement c’est usant, l’impact sur ma santé personnelle est important, exaspéré par ma situation, j’ai fini en arrêt-maladie. » 

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Boris Genty et Pierre Guihur (chargé départemental Fep CFDT 56) ont remis le courrier au député Paul Molac. 

Après la médiatisation, place aux revendications 

La publication de ce recueil a connu de forte retombée auprès des élus et de la presse en Bretagne. « Maintenant à court terme, nous voulons des moyens dans les services du ministère pour faire face à l’urgence et régulariser les dossiers en souffrance », indique le professeur de physique-chimie. Mais dans un second temps, la FEP CFDT plaide pour une harmonisation des procédures et des textes entre les branches privé et publique de l’enseignement agricole. « Avec un manque de moyens, automatiquement les procédures spécifiques du privé sont pénalisées », pointe la coordination FEP CFDT Bretagne. Cette dernière fourmille de proposition : formation des agents administratifs, décentralisation et marge de manœuvre pour les chefs d’établissement...  

Lors d’une rencontre avec le cabinet du ministère, Boris Genty déplorait « une posture de réaction et un manque de réflexion structurelle ». Du côté des élus locaux, le travail de représentation semble avoir porté ses fruits. En effet, Paul Molac, député de la 4e circonscription du Morbihan, a posé une question orale au ministre de l’Agriculture le 26 mars 2024. En attentant, les syndicats CFDT FEP de Bretagne sont déterminés à poursuivre le plan d’action fédéral pour obtenir des résultats concrets. De même, les syndicats continueront d’accompagner tous les adhérents dans la résolution de leur dossier. À l’heure où le secteur agricole est en crise, il est essentiel de maintenir l’engagement et la qualité d’enseignement dans les lycées agricoles. « Le ministère de l’Agriculture doit se doter de tous les moyens nécessaires pour passer d’une gestion des ressources humaines à une gestion humaine, tout simplement », conclut Boris Genty.

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