Joseph Atangana, livreur et militant Union-Indépendants pour les élections professionnelles

Publié le 02/05/2022

Du 9 au 16 mai 2022, les livreurs indépendants vont élire leurs représentants parmi les organisations syndicales. Ces élections sont une première et une vraie avancée dans le dialogue social pour le secteur. A cette occasion, la CFDT Bretagne a souhaité interviewer Joseph Atangana, fondateur de l’association des Coursiers Autonomes de Bretagne qui a récemment adhéré au collectif Union-Indépendants.

Joseph Atangana (à gauche) avec son collègue Pascal Owona (à droite)

 

CFDT : Est-ce que tu peux nous présenter rapidement ton parcours ?

Joseph : Je m’appelle Joseph Arnod Atangana, je suis né le 19 janvier 1972 au Cameroun. Je suis cariste de formation et j’ai travaillé pendant 5 ans en entreprise chez PSA jusqu’à l’émergence de la crise sanitaire et des confinements.

C’est à ce moment que j’ai décidé de créer mon auto-entreprise pour être indépendant et que je me suis demandé comment je pouvais me rendre utile pour mon pays. J’ai choisi la livraison car il y avait beaucoup de demandes et que c’était l’un des seuls boulots encore possibles dans le contexte. J’en parlais avec des amis depuis 2018, qui me disaient que ce métier les rendait autonomes et bien rémunérés.

 

CFDT : Récemment, la plateforme Deliveroo a été condamnée pour travail dissimulé pour avoir employé comme indépendants des livreurs qui auraient dû être salariés. La question du choix entre le statut de salarié et le statut d’indépendant a émergé dans le débat. Tu nous dis que tu souhaitais devenir indépendant : qu’est-ce qui justifie ce choix ?

Joseph : J’aime l’idée d’être mon propre patron, de travailler pour moi-même. Cela permet une grande autonomie et plus de flexibilité. Par exemple, en tant que père de famille, je peux prendre mon mercredi pour garder les enfants. Je n’ai pas d’horaires de travail ou d’objectif à respecter, c’est moi qui dois ramener l’argent pour mon entreprise. Je peux décider du timing, si je souhaite travailler toute la journée ou toute la nuit. Au final, ce qui me plaît c’est cette liberté qui va avec ce statut d’indépendant.

Il faut aussi voir que désormais, ce n’est plus aussi évident d’avoir un emploi salarié à plein temps. Tout le monde ne peut pas avoir un boulot traditionnel en CDI.

 

CFDT : Qu’est-ce qui t’as poussé à fonder l’association des Coursiers Autonomes de Bretagne ?

Joseph : Ce qui m’a frappé en commençant le métier, c’est qu’il n’y avait aucune organisation. Lorsque l’on rencontre une difficulté face à un client par exemple, il n’y a aucune assistance de la part de la plateforme, et aucun moyen d’appeler quelqu’un. Nous sommes plusieurs à avoir ressenti un vrai sentiment de solitude. Jusqu’à récemment, le seul contact que l’on pouvait avoir avec une plateforme se faisait sur le téléphone à travers l’application, c’était impossible d’avoir un humain derrière.

De plus, les plateformes ont leurs propres règlements qui sont parfois assez opaques. Pour les plateformes, c’est l’expérience et la satisfaction client qui priment. En discutant avec d’autres livreurs, nous nous sommes rendus compte que nous étions très nombreux à partager ces problèmes, que beaucoup subissaient des suspensions de compte parfois arbitraires sans explication. Une fois que le compte est bloqué, c’est foutu, il ne peut plus y avoir de contact avec la plateforme.

Nous avons donc fondé l’association en 2021, mais ça faisait presque 3 ans que c’était en réflexion.

 

CFDT : Pourquoi tu as choisi de rejoindre la CFDT et Union-Indépendants avec ton collectif ?

Joseph : Nous avons beaucoup discuté, nous avons compris que nous sommes un collectif très jeune et que nous avions besoin d’un appui, d’une expertise sur les mouvements, la négociation, le dialogue social. Quelqu’un qui peut nous aider à parler avec les plateformes pour améliorer le quotidien des livreurs. Ce qui nous a plu, c’est qu’Union nous aide à faire ce travail là tout en respectant notre statut d’indépendant. Récemment, nous avons obtenu d’avoir un interlocuteur pour les livreurs en Bretagne auprès de la plateforme UberEats, grâce à Union et au rapport de force que nous avons su construire.

Le collectif des Coursiers Autonomes de Bretagne officialise son adhésion à l’association Union Indépendant le 16 mars 2022

 

CFDT : Comment tu t’es senti dans cette mission de fédérer les livreurs autour de toi ? Cela s’est il fait assez naturellement ou était-ce difficile ?

Joseph : En réalité, je faisais un vrai travail de syndicaliste. La plupart ne connaissait pas le sens de l’action d’un syndicat ou d’un collectif. Ce n’était pas forcément facile de se lancer, mais comme il y avait beaucoup de problèmes ou de suspensions de compte, la création de notre association était assez opportune. Nous avons réussi à fédérer plusieurs centaines de livreurs assez rapidement : une preuve qu’il existe un malaise énorme. Mais il est satisfaisant de voir que les efforts commencent à payer : quand on est en collectif, on trouve des interlocuteurs, on arrive à faire entendre notre voix et à poser des bases pour un dialogue social.

 

CFDT : Les élections pour les représentants des travailleurs des plateformes se tiennent du 9 au 16 mai 2022. Quel message veux-tu passer à ceux qui exercent ton métier ?

Joseph : Ces élections sont de la plus haute importance, car il est essentiel que l’on puisse aussi discuter avec le Ministère du Travail sur le cadre législatif, pour aller au-delà de la discussion avec les plateformes. Rien qu’à Rennes il y a environ 2700 personnes qui vivent des livraisons : ce n’est pas un boulot temporaire ou d’appoint, c’est en train de devenir un véritable métier qui doit devenir officiel et donc être soumis aux mêmes règles que les autres. Ces élections sont un premier pas vers la reconnaissance de notre profession et la négociation de nouveaux droits. On va pouvoir négocier la question des prix, traiter les problèmes de discrimination, la question de la capacité de transport… Bientôt, chaque livreur aura un document officiel avec une capacité de transport plus adaptée.

Je demande aux livreurs d’accepter l’accompagnement de Union-Indépendants et de voter pour eux afin de pouvoir obtenir de nouveaux droits et de peser dans le rapport de force. (Flyer pour voter en bas de page)

 

Ces élections officialisent la mise en place de négociations annuelles obligatoires pour le secteur.

Parmi les thèmes traités :

-Les modalités de rémunération de la prestation de services

-Les conditions d’exercice de l’activité professionnelle

-Prestation de Protection sociale complémentaires

-Développement des compétences et sécurisation des parcours professionnels

-Modalité d’échange d’informations entre les plateformes et les travailleurs sur l’organisation de leurs relations commerciales

-Modalité de contrôle par la plateforme de l’activité du travailleur indépendant

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