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Monde du Travail, Retraites : l’injustice continue pour les femmes

Publié le 02/03/2023

La réforme des retraites portée par le gouvernement creusera l’écart déjà important entre hommes et femmes sur le montant des pensions et sur l’âge de départ. Des inégalités liées à celles qui existent déjà dans le monde du Travail. La CFDT Bretagne dénonce cette réforme injuste pour les femmes qui aggrave les inégalités en effaçant les droits familiaux. Elle appelle ses adhérents à participer à la mobilisation féministe du 8 mars.

Banderole de l'intersyndicale du Morbihan, le 16 février

« Ce projet de réforme des retraites est porteur de progrès et de justice sociale » martelait encore Elisabeth Borne à la mi-janvier. Un élément de langage qui n’aura pas fait long feu. Moins d’un mois plus tard, la réforme est présentée comme « nécessaire pour parvenir à l’équilibre ». Un élément lui aussi contesté par la CFDT. Mais face aux arguments des organisations syndicales et à la mobilisation massive, l’aspect social de cette réforme est devenu indéfendable. 

Il faut dire que le Gouvernement n’en finit plus de trébucher. L’étude d’impact du projet de réforme publiée le 23 janvier pointe les perdants du texte. Parmi eux, les femmes, pour lesquelles le report de l’âge légal de départ sera plus marqué que pour les hommes. Un constat confirmé maladroitement par le ministre Franck Riester le soir même sur un plateau télé : « les femmes sont évidemment un peu pénalisées, on n’en disconvient absolument pas… », puis par le ministre Clément Beaune le lendemain, déclarant que « parfois, le saut va être un tout petit peu plus grand pour les femmes ». Un euphémisme.  

« Les femmes nées en 1972 devront travailler 9 mois de plus, contre 5 mois pour les hommes, et cet effet augmente pour les générations suivantes », précise Béatrice Lestic, secrétaire confédérale CFDT en charge des questions d'égalité Femmes/Hommes. Une situation dramatique quand on sait qu’actuellement les femmes partent déjà plus tard à la retraite pour échapper à la décote en cas de carrière incomplète. De plus, la réforme va contribuer à réduire l’espérance de vie en bonne santé de certaines catégories de femmes salariées. Selon l’INSEE, « l’espérance de vie d’une infirmière est inférieure de 7 ans à la moyenne des femmes. »  

 

Les droits familiaux sur le grill 

« Franchement, le sujet est tellement lointain et désespérant que je préfère ne pas trop y penser. » Camille*, 42 ans, est éducatrice spécialisée pour les enfants handicapés dans un Institut Médico Éducatif (IME) de Saint-Brieuc. Comme une femme sur deux à l’arrivée d’un enfant, cette mère de deux garçons a dû stopper son activité, ce qui n’est même pas le cas d’un homme sur neuf. « Si tout se passe bien, avec les trimestres attribués pour la maternité (jusqu’à 8 par enfants) j’aurais pu avoir une carrière complète et partir plus tôt. Avec la réforme, on me demande de continuer jusqu’à 64 ans. »  

Ce décalage de l’âge légal de départ efface le bénéfice des trimestres validés par la maternité, alors même que ce dispositif était prévu pour gommer les inégalités entre homme et femme. Quand on lui parle retraite, Camille répond par le travail : « je n’ose pas imaginer de devoir travailler jusqu’à 64 ans. J’aime mon travail mais il est physique, il faut parfois soulever les enfants et j’ai déjà des douleurs sur une épaule » commente-t-elle, amère. Elle a participé à sa première manifestation le 11 février. 

Au-delà des contraintes physiques, la pénibilité liée aux souffrances psychologiques n’est pas reconnue, bien qu’elles soient très fréquentes dans les métiers du lien ou du soin. « On est confronté à des situations extrêmement violentes sur certaines familles. J’ai des collègues qui se sont mis en arrêt face à des cas très lourds » affirme Camille, « mais ça, personne ne le prend en compte et ça ne rentre pas dans les calculs. » 

En situation monoparentale, l’éducatrice spécialisée souhaite pouvoir compter sur une pension complète. Derrière l’amertume pointe la colère : « c’est déjà difficile toute seule,je ne veux pas avoir bossé toute ma vie pour être précaire à la retraite, ni que l’on me victimise ! Je veux du respect et de la reconnaissance pour mon travail qui est essentiel pour de nombreuses familles ».  

Quant aux personnes en carrière longue, le congé parental sera pris en compte dans la limite de quatre trimestres, et seulement pour les femmes ayant commencé à travailler avant 20 ans. « Une goutte d’eau » commente Béatrice Lestic, « la mesure concerne à peine 3000 femmes sur les 400 000 qui sont concernées chaque année. »  

 

En France, le sexisme ne recule pas ! 

Les inégalités entre femmes et hommes sur la retraite ne sont que le reflet de celles qui existent dans le monde du Travail. Sous l’ombre de l’étude d’impact de la réforme, un autre rapport publié le même jour s’est trouvé privé de tout écho médiatique. Il s’agit du rapport annuel du Haut Conseil à l’Égalité sur l’état du sexisme en France. « Le sexisme ne recule pas en France. Cinq ans après #Metoo, la société française demeure très sexiste dans toutes ses sphères », estiment les auteurs de l’étude.  

Le monde du Travail est particulièrement perçu comme inégalitaire par 80% des répondants. Le rapport pointe une surreprésentation des femmes dans les métiers précaires et leur difficulté à intégrer des filières scientifiques. Les écarts de salaires, largement documentés, sont également constatés par l’étude. Des inégalités qui expliquent un écart de pension de 40% en défaveur des femmes au moment de la retraite.  

Pourtant, les solutions existent ! Il est intéressant de noter que les préconisations du rapport rejoignent les revendications de la CFDT :  davantage de sévérité pour les entreprises qui ne mettent pas de dispositif efficace en place, passer d’une obligation de moyen à une obligation de résultat, « ainsi que des critères de conditionnalité dans l’ensemble des aides et financements publics pour qu’aucun argent public ne soit distribué sans contrepartie en matière d’égalité. » 

La question de l’égalité professionnelle, et par la suite de l’égalité entre femmes et hommes sur la question des retraites, impose d’abord de parler du monde du Travail et de ses mutations. Face à un tel enjeu, les mesures telles que la revalorisation de la pension minimale à 1200€ par mois pour réduire les écarts de pension apparaissent bien insuffisantes et font figures de cache-misère. D’autant que le nombre de bénéficiaires est divisé par 8 entre le chiffre annoncé par le gouvernement mi-février et le chiffre réel calculé en mars. « Pour parvenir à réduire les inégalités femmes/hommes sur les pensions et au travail, le gouvernement doit engager une politique ambitieuse et volontariste » conclut Béatrice Lestic, « la balle est dans leur camp ». 

La CFDT Bretagne appelle ses adhérentes et adhérents à se joindre le 8 marsaux cortèges féministes partageant nos valeurs ! 

* Prénom modifié