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Plan régional de santé au Travail : "aujourd'hui, c'est la soutenabilité du travail qui est interrogée dans les débats !"

Publié le 02/03/2023

Le 4ème Plan régional de Santé au Travail Breton est publié. Il s'agit de la déclinaison régionale des orientations du Plan national Santé au Travail, pour la période 2022-2025. Pour en parler, rencontre avec Frédéric Huon, secrétaire régional en charge du travail, mandaté au Comité Régional d’Orientation des Conditions de Travail et Stéphanie Le Bail Pagan, assistante politique sur les questions du travail à la CFDT Bretagne 

Le Plan Régional de santé au Travail Breton a été publié. Concrètement, de quoi s'agit-il ?

Stéphanie Le Bail-Pagan : Le plan régional de santé au travail détermine la politique de prévention des risques professionnels en Bretagne. C’est une véritable feuille de route régionale qui mobilise les différents acteurs de la prévention - ergonome, médecin, infirmièr·e, assistant·e social·e, psychologue, ingénieur.es - pour améliorer les conditions de travail, prévenir les risques professionnels afin d’éviter l’altération de la santé des travailleurs. Et les OS et les OP ! 

 

Comment la CFDT a contribué à sa réalisation ? 

Frédéric Huon : La prévention primaire est une revendication forte la CFDT. C’est pourquoi nous avons demandé que les priorités soient accordées à la prévention des principaux risques professionnels, notamment les risques psycho-sociaux et les troubles musculosquelettiques. Nous avons insisté pour que la qualité de vie et les conditions de travail soient prises en compte dans ce plan régional de santé au travail.   

Les chiffres montrent que les troubles musculosquelettiques sont la première cause de maladies professionnelles en Bretagne. Tous les secteurs d’activités sont touchés. Avec la très forte augmentation des risques psychosociaux, il nous paraît primordial de porter ces sujets qui touchent au bien-être au travail, altèrent la santé physique et psychologique des travailleurs et peuvent affecter l’organisation et la qualité du travail.  

 
Y a-t-il des secteurs professionnels plus concernés ?  

SLBP : Tous les secteurs et tous les métiers sont concernés mais des actions spécifiques sont prévues pour certains champs professionnels. Des champs pointés par la CFDT Bretagne. 

L’industrie agroalimentaire par exemple, est le premier secteur industriel en Bretagne, les risques professionnels y sont très nombreux et importants. Le travail de nuit ou en équipe alternées, le travail répétitif, le port des charges lourdes, tout cela, parfois dans le froid et avec des pressions pour atteindre des objectifs toujours plus élevés, ont des impacts profonds sur la santé des travailleurs.  

La CFDT porte également une attention particulière sur les métiers d'aide et du soin à domicile. C’est un secteur où les troubles musculosquelettiques sont très importants et où la pénibilité du travail est souvent invisibilisée, peu reconnue. Les conséquences sur la santé sont pourtant sérieuses : problèmes de dos, tendinites, souffrances psychiques…  

C’est pour cela qu’on souhaite travailler avec les syndicats et les adhérents concernés, pour parler du travail tel qu'il se fait et non pas uniquement tel qu’il est prescrit et ainsi encourager le dialogue professionnel.  

 

Tu parles de dialogue professionnel, peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste ? 

SLBP : Les travailleurs sont « des experts » de leur travail. Ils peuvent mettre en lumière les difficultés rencontrées, par eux-mêmes ou leurs collègues ; des difficultés qui ne sont pas forcément perceptibles pour des personnes extérieures. 

La CFDT souhaite que des lieux de discussion soient mis en place dans les entreprises, pour que les salariés puissent agir sur le travail. Aujourd'hui il le travail est organisé principalement par l'employeur sans être pensé collectivement. La prévention réside dans le fait de parler de l'ensemble du travail. Pour être plus concret, comment « faire le travail » pour qu’il soit plus soutenable et améliore la qualité de vie et les conditions de travail. Attention, il ne s’agit pas de mettre en place des lieux de détente ou des conciergeries pour faciliter la vie des travailleurs. La QVCT vise d’abord le travail et les conditions de sa réalisation. 

 

Dans ce contexte de réforme des retraites, pourquoi il est important de s’intéresser à la santé au travail ? 

FH : Le gouvernement souhaite allonger l'âge légal de départ à la retraite. Certains pourraient être contraints de continuer à travailler alors qu'ils ont connu des carrières parfois pénibles, des conditions d'emploi stressantes et qu’ils sont usés, physiquement et psychologiquement. 

On le voit bien dans les débats actuels, les conditions dans lesquelles le travail est effectué sont interrogées et cette discussion nationale sur le travail aurait dû être un préalable, c’est d’ailleurs pour cette raison que la CFDT a poussé la tenue d’assises nationales sur le travail. 

Pourquoi en France avons-nous un taux d’emploi des seniors si faible ? Ce qui est interrogé ici, c’est la soutenabilité du travail, jusqu’à quel âge peut-on travailler ? Cela est très dépendant de la condition physique et psychique de la personne, mais aussi des exigences de son travail (antérieur ou actuel). Au-delà de cette réforme, les questions des conditions de travail et de l’emploi sont essentielles. Celles du maintien dans l'emploi et de prévention de l’usure professionnelle également  

 

Justement comment peut-on agir pour prévenir la désinsertion et l’usure professionnelle ?

SLBP : Nous voyons un trop grand nombre de personnes en difficultés sociales, professionnelles ou personnelles en lien avec des problèmes de santé au travail, des douleurs physiques et/ou parfois en grande détresse psychologique. Quand les douleurs débutent, que le mal-être au travail commence à se ressentir, il existe des dispositifs qui sont encore trop peu connus et mobilisés. Il est par exemple possible de solliciter à tout moment une visite auprès de médecin du travail pour éviter une aggravation de l’état de santé physique ou psychique.

Dans certains cas, on se rend compte que, si des aménagements de poste avaient été mis en place plus tôt, des inaptitudes et des licenciements auraient pu être évités. Il est aussi possible de demander une visite de pré-reprise lors d’un arrêt de plus de 30 jours. Peu importe la raison de cet arrêt.

Si un travailleur se pose la question de savoir s’il est en capacité de reprendre le travail, il ne faut pas hésiter à solliciter cette visite. Des aménagements peuvent être faits. Voilà pourquoi la question du maintien en emploi doit s’envisager tout au long du parcours professionnel, pas uniquement lorsqu’il y a un arrêt de travail. 

 

Nous approchons du 8 mars, journée internationale des droit des femmes. Le Plan Régional de Santé au Travail comporte-t-il un volet spécifique concernant les la santé au travail des femmes ? 

FH : Le travail n’impacte pas de la même manière les femmes et les hommes que ce soit en termes de carrière (évolution professionnelle, promotion, accès à la formation…) et de santé. L’engagement et la participation de la CFDT a permis de définir certaines orientations du plan Régional de Santé au Travail des femmes.

Quand on parle de « métiers difficiles », dans les représentations sociales, on pense souvent aux travailleurs du BTP, moins aux auxiliaires de puériculture ou aux aides à domicile. Pourtant, en 20 ans, les accidents de travail des femmes ont augmenté d’environ 45%. Elles sont plus exposées aux risques psycho-sociaux, au travail répétitif et plus sujettes aux troubles musculosquelettiques que les hommes. Cette « pénibilité » des métiers « féminisés » est moins bien visible et reconnue.  

S’intéresser aux conditions de travail des femmes et à leurs impacts éventuels en matière de santé est primordial pour déployer des actions de prévention efficaces et pérennes au niveau de l’entreprise et plus largement au niveau de la société. Cela passe par une approche sexuée des expositions aux risques professionnels. Une revendication que nous portons sur le terrain et dans les instances et que nous continuerons à porte.