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Éducation nationale : la polémique de la rentrée scolaire ne masque pas les réalités du terrain

Publié le 03/10/2023

Le syndicat Sgen CFDT Bretagne tire un premier bilan de la rentrée scolaire, après sa tournée des personnels et son audience auprès de la conseillère du ministre de l’Éducation nationale à l’école de Saint-Germain-sur-Ille, le 4 septembre. Les élus bretons de l’enseignement public pointent le manque d’attractivité des métiers et l’insuffisance des réponses du gouvernement pour y faire face.  Des réalités qui sont aussi ressenties du côté des syndicats FEP CFDT pour l’enseignement privé.

Lundi 4 septembre, quelques 12 millions d’élèves français ont fait leur retour en classe lors de cette rentrée scolaire 2023. Arrivé en juillet à la Rue de Grenelle, le nouveau ministre de l’Éducation Nationale Gabriel Attal en a fait la traditionnelle promesse : les élèves trouveront un enseignant devant chaque classe. Cette nouvelle nomination s’est aussi accompagnée de son lot d’annonces tonitruantes.  

Des méthodes particulièrement lassantes et insécurisantes pour le personnel enseignant, rappellent les fédérations CFDT de l’enseignement public et privé. « L’année dernière, la rentrée était très marquée par les problèmes de recrutement de professeurs. Pour masquer ces difficultés, le nouveau ministre a imposé son thème : celui de la laïcité à travers l’interdiction de l’abaya » explique Luc Grimonprez, secrétaire général du Sgen CFDT Bretagne. Un écran de fumée, selon le syndicat, puisque la question ne concerne guère plus de quelques centaines d’établissements scolaires sur les 60 000 existants.  

C’est aussi un « deux poids, deux mesures » qui pose question pour le syndicat CFDT de l’enseignement public. « Le focus sur les faits d’atteinte à la laïcité ne se porte que sur ceux qui sont associés à l’Islam. Pourtant, en Bretagne nous avons été particulièrement concernés par des perturbations de militants de mouvements identitaires d'extrême droite », dénonce Luc Grimonprez. Le militant fait notamment référence au lycée Dupuy-de-Lôme à Lorient qui a connu plusieurs atteintes à l’exercice des enseignants en avril dernier, suite à la venue de l’association SOS Méditerranée lors d’une journée de l’engagement citoyen.  

Le syndicat rappelle par ailleurs que la laïcité est un idéal politique qui vise à garantir le vivre-ensemble et l'inclusion de l’ensemble des élèves dans les établissements scolaires, et non pas l'exclusion ou la stigmatisation. 

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Accueil de rentrée du Sgen Bretagne pour les nouveaux stagiaires de l'Académie de Rennes

 

La polémique n’efface pas les réalités du terrain 

Y avait-il un professeur devant chaque classe lors de cette rentrée comme l’affirmait le ministre ? « Non ! », répond sans hésiter le syndicat Sgen Bretagne. Même dans l’académie de Rennes qui rencontre moins de difficultés à recruter car elle reste attrayante, « les premières remontées des chefs d’établissements font état d’un ou deux enseignants manquants par établissement pour le second degré », constate Luc. En revanche, les établissements du premier degré affichent des effectifs complets. « Au prix de la mobilisation du pool de remplaçants dès la rentrée » précise Luc, qui craint que la situation ne tienne pas dans la durée. 

Si les problèmes d’attractivité du métier d’enseignant sont criants, ils n’en restent pas moins la partie émergée de l’iceberg. Tout aussi essentiels au bon fonctionnement des établissements, les personnels administratifs, assistants d’éducation (AE), accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), sont les grands oubliés des discours de rentrée. Des catégories de personnels qui souffrent également de difficultés de recrutement. « On en parle moins mais c’est un vrai problème. En Ille-et-Vilaine, 20% des élèves nécessitant une AESH en sont dépourvus actuellement, c’est-à-dire plus de 300 élèves », pointe le syndicat en reprenant les chiffres de la DSDEN 35. 

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Accueil de rentrée du Sgen Bretagne pour les nouveaux stagiaires de l'Académie de Rennes.

 

Attractivité : des réponses toujours insuffisantes ! 

Les éléments responsables de cette crise des vocations sont connus : la difficulté des conditions de travail et la perte progressive du pouvoir d’achat des enseignants conduisent à un désamour de la profession. En 1980, un professeur démarrait sa carrière avec un salaire 2.4 fois supérieur au SMIC, contre 1.4 fois le smic aujourd’hui. La politique de revalorisation de 5,5% en moyenne de la grille de salaires mis en place par le gouvernement ne semble pas parvenir à inverser la tendance. « C’est une moyenne et ce n’est pas pour tout le monde », regrette Luc Grimonprez, « on est loin des 10% de revalorisation inconditionnelle promis lors de la campagne présidentielle. On ne rattrape même pas le niveau de l’inflation. »  

Dès les premières annonces, le syndicat a affiché son opposition au Pacte Enseignant qui doit prendre effet ce mois-ci. Le dispositif prévoit une rémunération supplémentaire pour les enseignants qui accepteraient des missions complémentaires. « En France, le personnel enseignant travaille autour de 43h par semaine. Chaque jour, fait le constat de l’épuisement de nos collègues. Comment pourraient-ils assumer des missions complémentaires ? » Face à cette perte de sens au travail, le secrétaire général du Sgen fustige « une perception erronée de notre métier de la part du gouvernement. Notre métier est un métier d’engagement, nous ne sommes pas des prestataires de services. » 

 

Quel avenir pour le dialogue social dans l’Éducation nationale ?  

Le syndicat l’admet volontiers, il est assez difficile de construire un dialogue social et d’obtenir des avancées au niveau local dans le champ de l’Éducation nationale. La faute au fonctionnement très descendant de cette institution centralisée au niveau du ministère. Pour autant, les militants du Sgen CFDT, ainsi que ceux de la FEP CFDT, saisissent toutes les opportunités pour porter la voix des personnels.  

Lors de la visite du 4 septembre d’Elisabeth Borne et Gabriel Attal à l’école de Saint-Germain-sur-Ille (35), une délégation de militantes et militants du SGEN-CFDT et de la FEP CFDT a pu obtenir une audience auprès de Mme TCHOU-CONRAUX, conseillère du ministre. « Nous avons évoqué l’ensemble de ces problématiques de terrain et répété la lassitude de nos collègues face aux annonces par voie de presse et aux réformes sans réelle consultation des personnels et de leurs représentants », précise Olivier Schouten, secrétaire général du syndicat FEP Ille et Vilaine. La conseillère du ministre l’assure : le nouveau patron de l’Éducation nationale souhaite un autre mode de communication que ses prédécesseurs.  

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Mme TCHOU-CONRAUX, au centre, avec la délégation CFDT des syndicats FEP et Sgen Bretagne.

Signal de bonne volonté, Gabriel Attal a annoncé le 13 septembre une nouvelle concertation sur l’attractivité du métier d’enseignant. « Chaque année, le débat est rouvert. On a l’impression de répéter les mêmes échanges. Ce que l’on attend, ce sont des actes ! », souligne le Sgen Bretagne, peu convaincu. Il faut dire que le passage de la politique d’éducation au sein du “domaine réservé” du président assombrit l’horizon du dialogue social. L’année dernière, l’intervention présidentielle dans la construction de la réforme du Lycée professionnel a laissé un goût amer aux représentants du personnel (lien). « Lors des négociations, un certain nombre de compromis avaient pu être obtenu avec la ministre Carole Grandjean. Mais le ministère s’est fait couper l’herbe sous le pied par le président qui a imposé sa propre vision de la réforme », rappelle Olivier Schouten. 

Les deux syndicats le réaffirment avec force : l’éducation est un domaine qui doit être partagé avec toutes ses parties prenantes. Réformer le système éducatif sur la base d’un discours public sans prendre en compte ni l’analyse des experts, ni celles des personnels est une démarche vouée à l’échec. 

 

La ville de Lorient accueillera le congrès fédéral du Sgen-CFDT 

Le syndicat Sgen-Bretagne a candidaté pour accueillir le congrès fédéral des syndicats CFDT de l’enseignement public du 13 au 17 mai 2024. Cet évènement se tiendra au Palais des Congrès de Lorient. Une proposition qui rencontre l’engouement des militants et qui permettra de communiquer sur le syndicat dans le Morbihan.