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Métallurgie : une nouvelle classification des emplois bâclée au détriment des salariés !

Publié le 02/04/2024

Le déploiement au 1er janvier de la nouvelle Convention Collective du secteur métallurgie en Bretagne a été mené dans un esprit de déloyauté par certains employeurs. Le syndicat CFDT Métallurgie Cœur Bretagne alerte sur une nouvelle classification des emplois hâtive et bâclée dans les entreprises bretonnes. Explications.

Le bureau du syndicat CFDT Métallurgie Coeur Bretagne réuni lors du congrès du 26 avril 2023.

Depuis le 1er janvier 2024, la nouvelle Convention Collective unique s’applique dans l’ensemble des entreprises du secteur de la métallurgie. Cette convention collective est issue d’un accord historique signé en février 2022 par la CFDT, la CFE-CGC, FO et l’UIMM (organisation patronale). Cette convention doit remplacer les 78 autres qui existaient auparavant. En Bretagne, 54 000 salariés sont concernés dans plus de 2 000 entreprises. Et pourtant, sa mise en application irrite les syndicats CFDT de la métallurgie. 

 

Un manque de loyauté dans le déploiement de la classification 

« La première étape s’est plutôt bien passée », convient le syndicat Métallurgie Coeur Bretagne, « les volets concernant la protection sociale et les spécificités territoriales ont été menés sans difficulté. En Bretagne, la négociation d’un accord autonome a même permis d’intégrer la prime de vacances. » Mais dès les premières semaines de janvier, le volet classification suscite des tensions. Dans un courrier daté du 20 janvier 2024 adressé au représentant de l’UIMM Bretagne, le syndicat dénonce « un manque de loyauté criant pour nombres d’entreprises bretonnes en dévoyant l’esprit de la Convention Collective. » 

C’était un objectif partagé par tous les signataires : la nouvelle classification devait renforcer l’attractivité des métiers et assurer une cohérence dans l’analyse des emplois. « Les entreprises du territoire sont en train de faire l’exact inverse », affirme Laurent Valy, secrétaire général du syndicat Métallurgie Cœur Bretagne. Dans une enquête réalisée par les élus CFDT dans 35 grandes entreprises du territoire, les résultats sautent aux yeux : « en établissant des fiches d’emplois génériques qui ne rentrent pas dans le détail des postes, les employeurs ont tassé les niveaux pour réduire le coût de leur masse salariale », analyse Laurent Valy. 

Si l’accord prévoit un maintien de salaire en cas de déclassement, le diable se cache toujours dans les détails. « À moyen terme, les salariés vont stagner sur le plan salarial », assure Laurent Valy. « Chaque fois que la valeur du point d’indice salarial augmentera, le complément de rémunération sera versé au titre de la prime d’ancienneté. » Autrement dit, un salarié qui touche 100 euros de prime d’ancienneté en 2023, touchera 90 euros de prime d’ancienneté et 10 euros de complément de salaire si le point d’indice augmente de 10 euros en 2024, au lieu de toucher 110 euros.  

Les élus du syndicat fulminent : « pour certaines grandes entreprises, c’est jusqu’à 80% de la masse salariale qui est concernée par ce phénomène. Sur dix ans, ce sont des millions d’euros d’économies sur le dos des salariés. C’est un véritable hold-up ! » Selon les projections des syndicats, d’ici 2035 un ouvrier déclassé aura perdu en moyenne 800 euros et un technicien 1100 euros. 

 

La CFDT déterminée à accompagner chaque salarié 

Inévitablement, le coup est rude pour les salariés qui s'attendaient à une revalorisation positive. Les élus CFDT dans les entreprises concernées sont unanimes : « Le mot qui revient le plus est celui “d’incompréhension”. Les opérateurs ont l’impression d’être pris pour des moins que rien et voient cette nouvelle classification comme une mascarade. »  

La faute à des employeurs qui n’ont pas respecté le guide paritaire sur le déploiement de la Convention. Ce dernier précise notamment l’obligation de mener une information-consultation des élus du CSE sur la classification, ainsi qu’une consultation des salariés sur leur fiche emploi. Or, l’enquête du syndicat démontre que sur les 35 entreprises interrogées, « 30% n’ont pas fait d’information-consultation et 75% n’ont pas associé leurs salariés dans la rédaction de leur fiche emploi. » 

Le syndicat CFDT envisage déjà les suites de son action. Avec notamment des poursuites en justice : « à Redon, on a même une entreprise, BIC, où il n’y a ni Information-Consultation, ni même encore de nouvelle classification en place. Il a fallu la menace d’un procès pour qu’ils s’engagent à transmettre les documents nécessaires », souligne Laurent Valy. Les entreprises concernées par ces dérives vont devoir assumer la dégradation du dialogue social dans la période à venir. En effet, le syndicat affirme être prêt à accompagner tous les dossiers individuels de salariés qui s’estimeraient lésés dans le cadre d’actions aux prud’hommes. Plusieurs sont déjà en cours.