Bretagne : pourra-t-on encore accoucher dans les petits hôpitaux ?

Publié le 28/04/2023

L’application de la loi Rist à partir du 3 avril 2023 vient encadrer la pratique de l’intérim dans les hôpitaux : une mesure qui fragilise les petits établissements bretons qui emploient une part importante de médecins intérimaires dans leurs effectifs. Parmi les premiers services impactés, plusieurs maternités sont directement menacées de fermeture temporaire, voir définitive.

C’est une nouvelle période de crise pour les petits hôpitaux. Applicable depuis le 3 avril 2023, la loi Rist plafonne le salaire des médecins intérimaires à 1390€ brut pour 24h de temps de garde. Une mesure qui met en péril l’activité de certains établissements contraints de reposer sur l’intérim pour remplir leurs effectifs. Néanmoins, la CFDT assume son soutien pour cette loi qui vient mettre un terme aux dérives de ce système. 

« C’est un mal nécessaire » affirme Myrtille Tetrel, membre du syndicat Santé-Sociaux d’Ille-et-Vilaine. « Avec des hôpitaux contraints de fonctionner avec l’intérim, on a vu apparaître un phénomène de médecins mercenaires qui négociaient des gardes de 24h pouvant aller jusqu’à 6000€ ! » Une dérive déontologique constatée sur l’ensemble du territoire.  

Secrétaire général du syndicat Santé-Sociaux du Finistère, Stéphane Postollec dénonce « une logique de marché qui représentait plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année. C’est totalement anormal que l’argent public soit utilisé dans de telles proportions pour maintenir l’activité courante. » 

 

Les maternités dans le viseur ! 

Dans les zones périphériques, le manque de médecins devient critique et entraîne la fermeture provisoire de certains services. En tête de liste, ce sont les maternités qui ont le plus à craindre. Malgré un manque de visibilité pour les mois à venir, il n’y a pas de fermeture annoncée en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan. En revanche, l’activité est menacée à Landerneau, Carhaix et Guingamp ; notamment par manque de médecins anesthésistes, indispensables à tout accouchement. 

« On se demandait quand cela allait arriver » commente Stéphane sur la situation du Finistère : « le nombre de médecins en intérim qui ne sont pas rattachés aux établissements est trop important pour assurer la stabilité du service ». Au cours du mois de mars, élus, soignants et habitants ont manifesté à Carhaix et Landerneau à l’appel de l’intersyndicale pour la sauvegarde des activités de l’hôpital. Le cortège a rassemblé 5000 personnes à Carhaix et 600 à Landerneau. 

Annoncée le 3 avril, la fermeture provisoire de l’activité d’accouchement de Carhaix a été reportée de 2 mois. Un sursis dont n’a pas bénéficié celle du centre hospitalier de Guingamp qui ferme pendant deux mois à partir du 26 avril. « On reste sur un système très fragile qui ne donne pas de garanties pérennes » s’inquiète Sophie Lévénez, déléguée CFDT du Centre Hospitalier de Carhaix, « on ne peut pas nous dire toutes les semaines qu’il manque quelqu’un pour faire fonctionner tel ou tel service ». Le syndicat fait part de l’absence de visibilité des effectifs pour l’été qui est une période de forte tension sur le système hospitalier. 

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Une négation des compétences des agents 

Deux mois auparavant, une première onde de choc secouait les maternités bretonnes. Le 28 février, un rapport publié par Yves Ville, chef de la maternité Necker de Paris, préconisait la fermeture des maternités donnant naissance à moins de 1000 enfants par an, soit 6 d’entre-elles en Bretagne. Il s’agit des hôpitaux de Redon (35), Guingamp (22), Landerneau (29), Carhaix (29), Ploërmel (56) et Lannion (22). 

Une absurdité dénoncée collectivement par les syndicats Santé-Sociaux des quatre départements dans un communiqué : « plusieurs centaines d’accouchements sont réalisés chaque année dans ces maternités : 642 à Ploërmel, 561 à Landerneau… le barème des 1000 naissances est arbitraire et ne repose sur aucun critère scientifique. » Dans celle de Carhaix, ce sont même des praticiens venant de la maternité de Brest qui interviennent pour les accouchements. Difficile de parler d’inexpérience. « Affirmer que ces maternités sont dangereuses revient à discréditer le professionnalisme des agents qui y travaillent. C’est faux et extrêmement brutal ! »  

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L’égalité de l’accès aux soins en question 

« C’est une situation difficile car on n’a pas de leviers pour diriger les médecins là où les besoins sont les plus forts » note Stéphane Postollec, « mais il est faux de dire qu’il y a une pénurie de médecins en France, c’est leur répartition qui pose problème. » Une problématique largement antérieure à l’application de la loi Rist. Les soignants et la population de Fougères manifestaient déjà en octobre dernier pour défendre l’offre de soin face au manque de médecins. 

La question des intérimaires est un symptôme du manque d’investissements financiers dans les hôpitaux. Cela va dans le sens de la loi Hôpital Patients Santé et Territoires (HPST) de 2010 qui prévoit la réduction des activités de certains hôpitaux comme un horizon à atteindre. « Il faudrait commencer par revaloriser les médecins titulaires dans les établissements. Certains sont là depuis des années et sont moins payés que certains intérimaires » revendique Myrtille Tetrel. La CFDT défend également le maintien de la revalorisation des indemnités de garde de nuit jusqu’à l’été 2023. 

Plus largement, c’est la problématique de l’accès aux soins qui est en jeu. Pour le Centre Hospitalier de Landerneau, l’offre de soins recouvre une population de plus de 80 000 habitants entre Crozon et Kerlouan. Certains territoires se retrouvent à plus de trois quarts d’heures de la maternité la plus proche. Un phénomène qui joue sur l’attractivité économique et sociale de la Bretagne. 

Pour la CFDT, il importe de réfléchir ensemble pour trouver les moyens nécessaires à la conservation de notre modèle de société bretonne, de notre qualité de vie et du soin sur l’ensemble de notre région. C'est un sujet interprofessionnel et politique qui concerne tout le monde, notamment les élus du territoire. 

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